Chronique | Mais pourquoi ma mère ne m'a rien dit ? #MonPostPartum

dossier Quand j'ai eu mon premier enfant, je me suis demandé pourquoi on ne m'avait rien dit sur tout ce qui suit l'accouchement : le fameux post-partum. Une amie proche avait eu un bébé un an auparavant, elle aurait pu faire quelques allusions... Mais non. Je ne savais rien, ou presque, de ce qui allait m'arriver. Mais pourquoi ma mère ne m'a rien dit ? On m'avait pourtant bien briefée sur la grossesse. L'accouchement ? J'avais suivi les fameuses séances de préparation à la naissance. Je suis arrivée le jour J prête comme une marathonienne sur-entraînée. Au final, ça ne s'est pas vraiment déroulé comme je l'avais imaginé, avec une césarienne en urgence, mais ma foi, pas vraiment de surprises. Après tout, dans les récits et dans les films, les accouchements ont l'air de scènes de torture, les femmes hurlent, un bébé sort, et hop, photo-fini-au-revoir-madame. Mais l'après, le post-partum, les suites de couches, ce qu'on appelle parfois le quatrième trimestre... ÇA, je ne savais pas. ON ne m'avait rien dit. Ni ma mère, ni mes copines, ni les films, ni les sages-femmes, ni les plaquettes d'informations, que, pourtant, j'avais lues consciencieusement, comme une bonne élève qui voulait tout bien faire. Je savais vaguement que j'allais saigner, mais c'était à peu près tout.

Mon post-partum

À la maternité, j'étais en chambre double. Je saignais comme jamais je ne l'aurais cru possible. La césarienne me laissait de violentes douleurs. Quand je toussais, c'était la cata : ça coulait en bas, ça tirait sur mon ventre recousu, et je devais me concentrer très fort pour que mes intestins perdus quelque part dans ce ventre mou ne laissent pas échapper ces foutus gaz, qui avaient l'air de vouloir sortir à tout prix. Eh oui, je ne savais pas qu'en cas de césarienne, le ventre est parfois bourré d'air, et qu'il faut bien que ça sorte. Et en chambre double, c'est pas cool.

Mission toilettes

Côté transit, autant être claire : faire caca représente pour toi le challenge numéro 1, après un accouchement. Pire que de t'occuper de ton bébé. Tous les jours, les médecins, kinés, sages-femmes, LA TERRE ENTIÈRE me demandaient si j'étais "allée à la selle aujourd'hui". J'avais l'impression que je ne pourrais quitter l'hôpital avant de répondre un oui victorieux à cette question qui résonnait comiquement, dans ce moment censé être le plus beau de la vie. Mais bon, pas de chichis hein, les enfants ne naissent pas dans les choux. Deux jours après être restée couchée avec une sonde urinaire pour cause de césarienne, j'ai pu me lever. Je n'avais plus droit à la morphine. J'ai donc fini par errer péniblement dans les couloirs, avec la sensation que 3 trains m'étaient passés dessus : j'avais perdu 7 kilos en 2 jours + mon ventre césarisé me tirait horriblement + mes seins étaient deux obus engorgés douloureux. Impossible de me tenir droite et de marcher normalement. J'aurais pu faire de la figuration pour Walking Dead. Sans maquillage.

Cheeeeeeese !

Mon cher et tendre a pris une photo de moi, où je suis assise sur mon lit d'hôpital, la culotte filet aux fesses, mes beaux bas blancs de contentions aux jambes (césarienne oblige), le tire-lait à la main car bébé ne tétait pas suffisamment pour vider mes seins qui, en plus du reste, s'étaient engorgés. Mais je souris, car, quand même, c'est un peu drôle, faut bien le dire. Une nuit, ma voisine de chambre se met à pleurer, en changeant son bébé. Du coup, je pleure aussi. Ça contracte le peu qui me reste d'abdos, et donc, mon périnée. Je sens que ça coule, et je sais que je vais devoir me lever car ça remonte jusque dans le dos. Je vais aux toilettes. Schplaf, j'en mets partout sur mes bas. Je me redresse (péniblement) et soudain je me vois, dans le miroir de la salle de bains : hirsute, le ventre mou, les seins coulant, les bas blancs tâchés de sang - on dirait une danseuse de cabaret de film d'horreur - la culotte-filet garnie de serviettes XXXL dans tous les sens : les sages-femmes m'avait mis une protection hygiénique aussi sur le ventre, pour éviter que les agrafes de ma césarienne ne se prennent dans le filet.

Baby blues

Mais qu'est-ce qui m'arrive ? Je me mets à pleurer. Ça coule de partout. Des seins, du vagin, des yeux. Je ne sais plus par où commencer. Par en haut ? Par en bas ? J'ai envie de rire, tant cette vision de moi est comique, et en même temps j'ai mal partout et je voudrais dormir. Mon bébé se met à pleurer. Eh merde, faut que je me grouille. Je ne sais pas si ce sont ses pleurs mais mes seins coulent de plus belle. Un deuxième bébé se met à pleurer, dans une chambre voisine. Deux nuits plus tard, j'entendrais ce même bébé pleurer, et, à travers le mur, la voix de sa mère qui répétait en boucle "je vais devenir folle ! Je vais devenir folle !". Je me souviens avoir appelé une sage-femme pour la prévenir qu'à côté, y avait visiblement plus mal barrée que moi et que peut-être ça valait le coup d'aller voir.

"Désolée, je dois aller changer ma couche"

Mon deuxième enfant est né par voie basse. L'accouchement s'est super bien passé. Je n'ai pas eu les suites de la césarienne. J'avais une grande chambre pour moi toute seule. Mais j'ai découvert un autre petit désagrément : le périnée en chou-fleur. Je me faisais pipi dessus les premiers jours, parce que j'avais eu une déchirure, tout était gonflé et, dixit le kiné "les organes sont occupés à cicatriser, du coup ils en oublient de fonctionner". Parfois, je sentais que j'aurais pu gérer jusqu'aux toilettes, mais courir avec un bébé au sein, quand, pour te relever tu fais des contorsions pas possibles, histoire d'éviter d'appuyer là où ça fait mal... Autant dire que les couches pour incontinence que j'avais préférées aux culottes-filet n'ont pas été un luxe.

Je veux dormir

Je n'ai pleuré qu'une fois, parce que je m'étais pissé dessus et que je croyais que j'allais devoir porter des Téna jusqu'à la fin de mes jours. Mais surtout parce que je manquais de sommeil. Le ventre mou, les seins engorgés qui font mal jusque dans le dos, la montée de température qui accompagne la montée de lait, les tranchées (= les contractions post-partum qui remettent l'utérus en place, comme ça vous saurez), le pipi qui brûle atrocement vos chairs meurtries, les premières "selles" qui vous font trembler... Tout ça, je savais que ça passerait. Mais la fatigue... Avant de quitter l'hôpital, le gynéco vient me voir pour parler contraception. Autant dire que, j'ai envie d'éclater de rire (jaune)... La quoi ??? Parce qu'un jour il va vraiment falloir que je reprenne une activité sexuelle normale ? Avec un zizi et tout ? Bon, j'ai quand même pris l'ordonnance. On verra.

Kate et moi, même combat

Je reste persuadée que, si j'avais su, je l'aurais mieux vécu. Et puis, ça n'est pas forcément pareil pour toutes les femmes. Pour certaines, ça n'est pas si horrible : moins de sang, moins de lait, moins de points de suture. Mais une chose revient presque toujours : elles ne savent pas. J'ai fini par demander à mon amie pourquoi cette omerta ? Etait-ce un secret pour ne pas faire peur aux femmes ? J'ai fini par penser que c'était peut-être moi qui n'étais pas normale. Quand même, c'était tellement énorme que, si ça se passait comme ça pour toutes, ça se saurait non ? Elle m'a répondu que c'était des choses qu'on n'a pas vraiment envie de raconter, un peu dégueu faut bien le dire, et au fond, pas si terrible... Moi, j'aurais aimé qu'on me dise. J'aurais aimé entendre "il peut t'arriver ci ou ça, mais ne t'en fais pas, c'est normal, ça ne dure pas, et tout se répare". Juste ça. Alors mieux vaut en rire. Quand vous aurez accouché, que vous vous regarderez dans le miroir de votre chambre d'hôpital la couche au derrière, vous aurez une pensée pour Kate Middleton posant tout sourire devant les photographes deux jours après avoir mis bas. Dites-vous que, sous sa belle robe bleue à pois blancs, Kate aussi avait sa culotte-filet. Depuis la censure du spot publicitaire pour Frida Mom (produits intimes pour l'accouchement) montrant une femme en plein post-partum, la parole des femmes se libère sur le sujet ultra-tabou des suites de couches. Sous le hashtag #monpostpartum elles racontent leur expérience des jours d'après l'accouchement.

auteur : Amélie Micoud - journaliste santé

Dernière mise à jour: décembre 2020

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