Témoignage | "Quand on est africaine, c'est très difficile d'avoir recours au don d'ovocytes en France"

dossier Ursula, 42 ans, est la maman d'un petit garçon de 20 mois. D'origine camerounaise, elle a connu un véritable parcours du combattant pour réaliser son rêve de devenir mère. C'est finalement grâce à l'ovocyte d'une autre femme qu'elle a pu concevoir son bébé. Mais pour Ursula, à la difficulté de la fécondation in vitro (FIV), s'est ajoutée celle de trouver une donneuse au phénotype noir. Une double peine, pour un double tabou. Elle nous raconte son histoire de femme qui ne lâche rien.

Des années d'essais

J'ai entamé un parcours PMA (procréation médicalement assistée) aux alentours de 27 ans. Avant d'avoir mon fils, cela faisait donc 12-13 ans que je tentais vainement de faire un bébé. J'avais essayé naturellement avec mon compagnon à l'époque, ça ne fonctionnait pas. C'est là que mon calvaire a commencé. J'ai vu plusieurs gynécologues, et le bilan des examens n'était pas encourageant: j'avais les trompes bouchées, un petit fibrome et des kystes. Les choses commençaient mal! Plusieurs opérations plus tard, le verdict tombe: je dois avoir recours à la FIV si je souhaite devenir mère. J'ai donc enchainé 3-4 FIV en France. En 2012, je tombe enfin enceinte, mais je fais une fausse couche à 2 mois de grossesse. Il me restait des embryons, donc nouvelles tentatives de transfert de ces embryons en 2013 et 2014... et nouveaux échecs. Puis j'ai eu besoin d'une petite pause: j'avais juste envie d'un miracle, je n'en pouvais plus! Mais je ne me suis jamais sentie malheureuse, je suis toujours restée positive. Je me disais que tant que j'avais de l'énergie, je me battrais. Je n'étais pas envieuse ni négative car, finalement, j'étais toujours dans l'action. Je savais que plusieurs options s'offraient encore à moi, et que j'attaquerai toutes les options s'il le fallait.

L'option FIV avec don d'ovocyte (FIV-DO)

En 2016, nouveaux échecs. La gynécologue que je voyais alors à Paris m'a orientée vers la FIV avec don d'ovocyte. Mais c'était quelque chose que j'avais déjà envisagé de mon côté et même tenté, à Barcelone. Ça s'était soldé par un échec, et ça avait été un gouffre financier (j'avais dépensé 7500 euros!). Grosse déception et plus envie de retourner en Espagne. J'étais prête à aller jusqu'en Afrique du Sud où les soins sont réputés très bons. Une amie m'a alors parlé d'un gynécologue à Lariboisière (Paris), spécialisé dans des cas comme le mien. Ce médecin m'a tout de suite dirigée vers le Cameroun. Il m'a dit "on essaie là-bas, et si ça ne va pas, on vous opèrera à nouveau". Donc première tentative FIV-DO au Cameroun en 2017... Et nouvel échec. Le gynéco parisien m'opère, toujours ces problèmes de trompes.

L'espoir camerounais

Je suis repartie au Cameroun en janvier 2018, pour un autre transfert. Et là, victoire!!! Enfin, ça a marché! J'étais très stressée. Pour moi, c'était un miracle, j'avais peur. En plus, j'ai fait de l'hypertension et même une pré-éclampsie en fin de grossesse. J'ai été ultra-surveillée et déclenchée à 8 mois. Mon bébé est né en bonne santé, en France. Il faut savoir qu'aujourd'hui, beaucoup de cliniques au Cameroun font de la PMA. En France, le seul choix qui, si on a de la chance, s'offre à nous, c'est une donneuse métisse. Au Cameroun, des étudiant.e.s (en médecine par exemple) donnent leurs gamètes pour payer leur école. C'est un don rémunéré. Je ris parfois quand je parle des FIV au Cameroun, et qu'on me dit "ah bon? On fait des FIV au Cameroun?!!" Eh oui, les gens ne le savent pas, mais c'est plutôt courant maintenant!

Mission impossible en France

Quand on est africaine, c'est très difficile d'avoir accès à un don d'ovocyte en France. Il y a très très peu de dons de femmes africaines. La liste est déjà longue pour une femme blanche, alors pour une personne noire... Mon parcours FIV a été très difficile avec mes propres ovocytes. Avec un parcours don, être mère aurait été impossible. La gynécologue qui m'avait orientée la première vers le don d'ovocytes m'avait demandé si je n'avais pas des sœurs ou des copines prêtes à donner pour accélérer mon dossier (en France, une femme sur liste d'attente pour une FIV-DO qui amène une donneuse voit son dossier passer en prioritaire, NDLR). Au Cameroun, le don direct existe: on peut donner ses ovocytes à une sœur. Mais la biologiste que je voyais là-bas m'avait mise en garde: cela peut donner lieu à des situations compliquées. Par exemple, elle avait le souvenir d'une femme qui avait donné ses ovocytes à une de ses sœurs, mais n'avait pas pu avoir elle-même d'enfants par la suite. Et puis elle m'a dit "imaginez, plus tard, votre fils est président de la République et c'est le fils de votre soeur !" (rires). Ça avait le mérite d'être clair! C'est vrai que je préfère faire cette démarche avec quelqu'un que je ne connais pas, je trouve ça plus simple.

Prête à tout pour devenir maman

Je n'ai jamais perdu espoir car j'ai toujours envisagé toutes les solutions possibles. Le sperme vient du papa, qui est au Cameroun actuellement, mais sinon, on aurait fait le voyage ensemble. Et s'il n'avait pas été là, j'étais prête à faire un double don (sperme et ovocytes). Si l'option FIV-DO camerounaise ne fonctionnait pas après 2-3 essais, j'étais prête à avoir recours à une mère porteuse. J'avais aussi envisagé l'adoption.
Les FIV avec don sont bien moins contraignantes que les FIV avec ses propres ovocytes!
Quand on a une envie, on se donne les moyens, dans tous les sens du terme. Mais beaucoup de jeunes femmes abandonnent les FIV aussi parce qu'elles n'ont pas les moyens, justement. Il faut de l'argent pour pouvoir bénéficier d'une FIV-DO, quand on est dans mon cas. Pour moi, un bébé n'a pas de prix, mais j'ai eu la chance d'avoir un entourage qui m'a aidée financièrement. Il faut savoir aussi que les FIV avec don sont bien moins contraignantes que les FIV avec ses propres ovocytes! Pas autant d'hormones, pas autant d'échos, pas de ponction des ovocytes... Le corps n'est pas mis à rude épreuve. Donc de ce côté là, c'était presque plus facile, physiquement et psychologiquement.

"L'essentiel, c'est de voir ton ventre pousser"

En Afrique, beaucoup ne sont pas au courant de cette autre option pour avoir un enfant. On dit toujours que, l'essentiel, c'est de voir le ventre pousser. J'ai eu la chance d'avoir du soutien et des exemples prometteurs: une tante a eu des jumeaux en Afrique du sud par FIV à 45 ans. Je voyais ça comme une option possible. Et puis on dit que c'est Dieu qui donne l'enfant. On ne cherche pas trop à connaitre les détails. Avant l'option FIV maintenant possible en Afrique, il y avait beaucoup de mères porteuses. C'était très caché mais bien réel. De même pour les adoptions parfois très arbitraires... Mais que ce soit en France ou en Afrique, c'est toujours quand on est dans une situation qu'on la découvre. Alors quand je le peux, je dialogue, je partage mon expérience en disant qu'il y a d'autres moyens, si ça ne fonctionne pas. Dans les groupes Facebook africains, beaucoup de femmes postent les messages anonymement, car elles ont honte de leur situation. Lorsque j'y raconte mon expérience, des personnes me contactent en privé. Si besoin, je les mets en relation avec mon gynécologue ou ma biologiste au Cameroun.

Penser à l'avenir

Pour le moment je dois avouer que je ne pense pas tellement à la donneuse. Ou quand je pense à elle, c'est davantage un questionnement autour de son identité: de quelle ethnie elle est, ce genre de choses. Je suis plutôt préoccupée par mon enfant, par son avenir. La question des origines risque de se poser un jour, j'ai peur de ne pas savoir quoi lui dire! Je ne veux pas jouer sur sa psychologie, alors je crois que je verrai le moment venu... Un deuxième bébé? C'est prévu! J'étais en pleine préparation pour un transfert en mai, mais Covid oblige, j'ai dû reporter mon projet de quelques mois... À suivre! Suivez Minimi sur Instagram Lire aussi: La rencontre | Cécile, 34 ans, a fait un don d'ovocytes Projet bébé, PMA ou pas: dois-je en parler à mon employeur? Ces célébrités parlent ouvertement de leur fausse couche

auteur : Amélie Micoud - journaliste santé

Dernière mise à jour: juin 2021

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