Faut-il emmener un enfant à un enterrement?

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dossier Après un décès, la question des funérailles se pose bien souvent pour les parents de jeunes enfants. Faut-il emmener son enfant à l’enterrement d’un proche? Si oui, comment faire en sorte que ça se passe au mieux? Nous avons posé la question à Reine Vander Linden, psychologue.

Dans un article précédent, Reine Vander Linden, psychologue clinicienne périnatale, nous donnait des conseils pour aborder la mort avec son enfant et répondre aux questions que le décès d’un proche amène bien souvent dans les familles. La question du corps du défunt – ce qu’il advient de lui, où on le met – se pose inévitablement, en tout cas chez les plus petits. Les funérailles d’un proche peuvent être alors l’occasion d’aborder ce sujet difficile parfois plus pour les adultes que les enfants.

Voir aussi l'article : Comment parler de la mort avec son enfant?

Faut-il emmener un enfant à un enterrement?

« Les funérailles sont nécessaires pour faire son deuil. C’est un moment où on dit au revoir, pendant lequel les choses sont concrètes. C’est une manière de se réunir et de se souvenir. Les enfants ne fonctionnent pas différemment. Vous pouvez donc tout à fait emmener votre bambin, même très jeune, à des obsèques, en veillant à des aménagements. Un enfant de trois ans ne va pas tenir toute la cérémonie, il faut donc veiller à ce que quelqu’un puisse prendre le relais des parents, et que cette personne soit énoncée à l’enfant. Prévenez l’enfant que papa et maman peuvent être très tristes, et que quelqu’un va s’occuper de lui. Ce qui est important, c’est que l’enfant ne se sente pas lâché, qu’il n’y ait personne pour répondre à ses questions ou le consoler, car il peut aussi être triste. Or, quand les parents sont dans leur détresse, ils peuvent ne plus être attentifs à leur enfant.

Beaucoup de parents ont des craintes, ils ont peur que leur bambin soit choqué, traumatisé. Pourtant, les enfants ne sont pas dérangés par la vision d’un mort, ni par des funérailles. C’est nous qui avons peur de ça. Les enfants sont souvent très tranquilles, même face à un corps. Mais ils questionnent, ils demandent. Et c’est souvent le moment d’aborder cette question humaine de la mort. Cela étant, si je suis incapable moi-même de faire face à un enterrement, à des funérailles, à la vision d’un cadavre, alors je peux préférer ne pas y entrainer un enfant avec moi. Je pense à des récits d’adultes qui ont perdu un de leurs parents pendant l’enfance et racontent que leur parent restant ne tenait pas le coup. Ils se demandaient alors « Mais qui va s’occuper de moi? » Il faut que l’adulte qui emmène un enfant à des funérailles soit en mesure de lui offrir un support soit par délégation, soit lui-même en étant stabilisé dans ses émotions.

Une « préparation » n’est pas nécessaire. Pas besoin d’en faire beaucoup, l’enfant doit juste sentir que ses parents sont dans une émotion, et que donc ils délèguent. On peut simplement dire à son enfant, avant la cérémonie « Si tu es triste, si c’est difficile, si tu as besoin de faire pipi, tu peux demander à ta marraine, à tatie », etc. »

Comment réagir au moment de la mise en terre ou de l’incinération?

« Les enfants ont divers degrés de curiosité. Voir partir un cercueil dans les flammes, c’est toujours très très impressionnant, aussi pour les adultes. La mise en terre est moins « violente ». Lors d’une incinération, le cercueil part seul dans les flammes. Lors d’une mise en terre, les gens sont autour, le trou reste ouvert et puis les gens s’en vont. Si des parents sont en mesure de pouvoir assumer l’image d’un cercueil qui part dans l’incinérateur, et qu’ils l’imposent à leur enfant, pour autant qu’ils leur en parlent et se soucient des émotions de l’enfant, ça n’est plus problématique que de se dire « je le protège de ça ».

Évidemment ça dépend de l’âge. Des petits peuvent être impressionnés et dire « Ça brûle, il a mal », et vont fantasmer les détails. Mais c’est la même chose pour l’enterrement: « Il va fondre, il va pourrir… » Ce sont des questions que presque tous les enfants posent! Ils sont concrets, ils sont curieux. On peut simplement répondre à leurs questions, quitte à dire « Il y a des choses que je ne sais pas, mais ta question est une bonne question ». Il ne faut pas en faire un tabou, ces questions existentielles pourraient sinon devenir particulièrement angoissantes. »

Et si on craque devant notre enfant?

« C’est un message à faire passer aux parents: ils ne doivent pas s’en vouloir de faire passer une émotion. Ce qui est important c’est de pouvoir en dire quelque chose à l’enfant. Lors de la perte d’un être cher, c’est souvent la première chose que les enfants voient: leurs parents pleurer. Ne soyez pas gênés de vos émotions mais donnez-en la clé à vos bambins. Dites pourquoi c’est difficile et ce qui vous bouleverse. Encore une fois, l’enfant n’est pas dupe. Et puis quand on parle de ses émotions, c’est déjà une façon de reprendre pied. On prend déjà du recul, on reprend le contrôle de ses émotions. »

Mon enfant ne veut pas aller aux funérailles, faut-il le forcer?

« Bien sûr, tout dépend de qui est décédé, mais mieux vaut ne pas forcer. Souvent, quand un enfant refuse, c’est qu’il a déjà appris à se protéger d’une certaine façon. Soit il a déjà assisté à des funérailles, et il n’a pas envie d’y aller parce que c’est long et qu’il faut rester tranquille, etc., soit il y a de la peur.

Mieux vaut éviter de dire à son enfant qu’il le regrettera peut-être un jour. C’est aussi participer à une forme de risque de culpabilisation: si je suis triste après, et que je le regrette, c’est parce que je n’ai pas voulu aller à l’enterrement, alors j’ai doublement raison de m’en vouloir. En revanche, il faut vraiment ouvrir un dialogue: quelles sont les idées qui te font peur? Les images que tu as? Aider l’enfant à pouvoir exprimer ce qu’il imagine des funérailles. Ennui, tristesse, peur… Il est aussi important d’expliquer à un enfant à quoi servent les funérailles. Lui dire que c’est un moment pour dire au-revoir et se réunir, pour qu’il ne soit pas dans des représentations fausses, d’autant plus s’il a entendu les membres de sa famille avoir un discours négatif, du genre « c’est horrible un enterrement », ce genre de choses. »

Si l’enfant reste à la maison, comment lui parler de l’enterrement après?

« Il faut remplir le vide. Un enterrement est un événement majeur dans une famille qu’il vaut mieux éviter de passer sous silence.  On peut aussi très bien dire qu’on est mal à l’aise pour en parler. Mais on doit essayer de le faire. Bien sûr ça dépend des habitudes de parole dans la famille. Vous avez du mal à en parler? Dites-le. Encore une fois, il n’est pas nécessaire d’en dire beaucoup, mais ce qui compte c’est de dire que vous êtes là, malgré votre chagrin. »

auteur : Amélie Micoud - journaliste santé

Dernière mise à jour: juin 2023

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