Ces femmes qui tentent le tout pour le tout pour avoir un bébé du sexe désiré

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S'il y a bien quelque chose qui croule sous les tabous, c'est la maternité. Parmi eux, celui de désirer que son enfant soit d'un sexe plus que l'autre. Régime du Dr Papa, méthode Babydust, régime Mamaï, compléments, lavements et mesures du pH vaginal... À l'abri des regards parfois jugeants, souvent incrédules, elles ont décidé de mettre toutes les chances de leur côté pour avoir cette petite fille ou ce petit garçon tant espéré.

Elles se confient sur Internet, protégées par leur anonymat ou par le caractère privé de certains groupes Facebook spécialement dédiés. Elles racontent leur envie profonde d'avoir un garçon après avoir eu des filles, ou l'inverse, et partagent leurs méthodes pour voir la vie en bleu ou en rose, comme elles aiment parfois à dire. Mais ne les lancez pas dans un débat autour des questions de genre, ça n'est pas tellement le propos ni le problème, finalement. Leur envie est personnelle, profonde, viscérale. Elle n'est pas un sujet de société, du moins pas encore sous nos contrées puisque dans d'autres pays, la FIV (fécondation in vitro) avec choix du sexe est autorisée et peut donc légitimement poser question.

? Pour connaitre certaines des méthodes existantes du choix du sexe, lisez notre article Fille ou garçon, les méthodes pour choisir le sexe de bébé

"Il me manque quelque chose"

"Mon envie de fille est viscérale. C'est très compliqué à expliquer, mais en gros, c'est comme si je me sentais vide, pas accomplie, tant que je n'aurai pas ma fille. J'ai 35 ans et 3 garçons. Pour l'aîné, j'étais contente à l'annonce du sexe, c'était voulu! Pour le 2e, ça a été difficile, j ai mis une semaine à digérer l'information. Pour le 3e, il m'a fallu attendre le 7e mois de grossesse pour accepter. Maintenant tout va bien avec mes garçons, mais il me manque quelque chose. J'aimerais faire tout mon possible pour avoir ma fille, mais monsieur n'est pas partant pour une FIV avec choix du sexe à Chypre", confie Alycia, qui souhaite faire passer le message que "ce n'est pas un caprice".

Si vous faites une plongée dans les groupes de discussion sur les méthodes pour "choisir" le sexe de bébé, vous vous rendrez vite compte qu'effectivement, ce désir d'un sexe est tout sauf un caprice qui, par définition, est une envie subite et passagère. Dans ces groupes, vous trouverez des femmes - la plupart multipares - prêtes à adopter des régimes très contraignants qui obligent parfois à décliner visites ou sorties au restaurant, pour éviter d'avoir à se justifier sur son régime particulier. Et puis il y a les calculs de la fréquence et des moments des rapports, les mesures du pH vaginal, la prise de compléments alimentaires, les rapports sans pénétration profonde, sans ou avec orgasme, les lavements vaginaux... Lydia, Gattilier, cranberry, J-3, Geliofil, mamaï, Babydust… Tous ces mots sont leur quotidien pendant quelques temps. Et même les hommes sont mis, quand ils le veulent bien, à contribution en évitant le café et en prenant du cranberry. Alors forcément, parfois, elles en ont marre, font des écarts, craquent pour mieux reprendre plus tard… ou pas, quand tout devient trop lourd et que bébé tarde à venir.

Prêtes à tout, mais avec leurs limites

D'autres sont prêtes à aller jusqu'à la FIV avec choix du sexe, et donc à s'infliger le traitement lourd qu'implique la fécondation in vitro: injections d'hormones, anesthésie générale, voyages à l'étranger sans garantie de réussite au bout. Mais si beaucoup l'envisagent, elles sont finalement peu nombreuses à aller jusque là. Par manque de moyens, par appréhension de la lourdeur du traitement et de la démarche, par refus du partenaire ou pour des questions éthiques... Et même parfois, comme dans le cas d'Emma, par ce qui pourrait s'apparenter à de la superstition: "Je tente les méthodes les plus à ma portée, mais je n'irai pas jusqu'à la FIV. J'ai trop peur que la nature vienne récupérer ce que je lui aurais peut-être volé, alors je laisse cette méthode aux femmes qui n'arrivent pas à concevoir."

"Ce qui compte c'est qu'il soit en bonne santé"

"En fait, ce qui passe mal auprès de l'entourage, c’est quand les premières raisons invoquées d'un désir de fille sont la layette rose, les petites barrettes, etc.", analyse Sandra. "Les gens pensent que c'est très superficiel, alors que, souvent, les raisons qui font qu'on a cette préférence sont bien plus profondes, et sont difficiles à exprimer. Notre histoire personnelle joue. Ma mère m’a élevée en répétant sans cesse qu’un garçon est perdu pour sa famille... Du coup, j'avais peur de n'avoir que des gars!" Sandra rigole. On lui demande ce qu'elle entend par "perdu pour sa famille". C'est un dicton polonais, nous explique-t-elle, qui dit qu'une fois en couple, un homme aura tendance à aller davantage dans la famille de sa femme qui, si elle est mère, préfèrera souvent confier ses enfants à ses propres parents qu'à sa belle-famille. Dont acte.

La peur d'être jugée

Toutes ces jeunes femmes ont en commun d'avoir trouvé dans les réseaux sociaux un lieu où déposer leurs pensées, même les plus sombres. Comme l'envie, pour ne pas dire jalousie, lorsqu'une amie vous annonce attendre un enfant du sexe que vous espérez tant, ou le chagrin, lorsque le verdict annoncé n'est pas celui attendu et qu'il se mêle à la culpabilité d'être triste alors que son bébé va bien. Ici, pas de jugement, mais de la compréhension. Vous avez le droit de dire que vous êtes déçue, et même de pleurer. "Il peut y avoir beaucoup de méchanceté quand tu avoues préférer un sexe plutôt qu'un autre. Donc je n'en parle à personne sauf dans le groupe," confie Audrey. "Pourtant, après mes 5 mecs, je pense légitime de vouloir une fille!" C'est ce que dit aussi Emma: "La préférence est tout à fait légitime et la santé de notre futur enfant n'est à aucun moment en question dans notre ressenti. Ça reste évidemment la principale inquiétude d'une future maman lors de sa grossesse. Arrêtons avec cette phrase bateau: "Il est en bonne santé, c'est le principal". Encore heureux, et pour nous c'est une évidence! Dire ça, c'est déjà un jugement." Un jugement ou une simple tentative maladroite de faire relativiser l'importance du sexe de l'enfant.

"C'est comme si quelqu'un qui n'avait jamais existé me manquait"

Un futur bébé en bonne santé, les femmes qui ne peuvent pas avoir d'enfant... Tout ça, une future maman le sait. Mais son désir et sa possible déception ne se situent pas à ce niveau-là. Comme le dit Sandra plus haut, l'histoire personnelle est engagée, et l'enjeu autour de la préférence d'un sexe est de l'ordre la psyché. "C'est plus fort que moi", explique Justine. "La déception et le chagrin que j'ai ressenti à l'annonce que mon deuxième serait un garçon n'est pas quelque chose que j'ai pu contrôler. Je m'attendais à être déçue, mais pas à m'effondrer jusqu'à ressentir le besoin vital d'aller voir une psy rapidement. Beaucoup de choses étaient en jeu évidemment, le rapport avec ma mère, que j'étais en train de perdre, le fait d'être la seule fille depuis toujours, entourée de garçons, et d'avoir dû prendre en charge certaines choses, la peur d'un avenir sans "relais" - à qui pourrais-je bien donner la bague de fiançailles donnée par ma grand-mère à ma mère lors de ses derniers jours? Je n'ai pas de nièce, que des neveux! Alors j'ai réellement dû faire le deuil de cette fille. C'est très bizarre car c'est comme si quelqu'un qui n'avait jamais existé me manquait. Je le dis et le redis, mon problème, ça n'est pas d'avoir un garçon, c'est de ne jamais avoir de fille."

Un mini-soi

Et puis, bien sûr, il y a aussi la projection de soi-même, avec un enfant du même sexe. Entre fantasme, miroir, et scénarios qu'on s'est parfois construits depuis la petite enfance. "J'ai toujours rêvé d'avoir une sœur", continue Justine, "Je pense que j'ai le fantasme de la petite fille idéale qui se laisserait coiffer, qui aimerait la danse classique et les poupées. Qui deviendrait peut-être celle que je ne suis pas devenue, qui réaliserait mes rêves, en quelque sorte. J'ai bien conscience que c'est complètement stupide. Si ça se trouve, ma fille jouerait au foot et deviendrait plombier, et ça m'irait très bien! Mais le fait est que, pour moi, ma petite fille imaginée, c'est ça. Ne me parlez pas de clichés de genre. Il s'agit de mes projections, en rapport à mon histoire personnelle. Des projections, on en a tous. Même celles qui projettent justement que leur fille sera loin des clichés du rose et des nœunœuds dans les cheveux..."

Peu prises au sérieux

Mais la peur d'être jugée n'est pas le seul moteur de la volonté de cacher aux autres ses projets de régime ou autre moyen de favoriser la venue d'un embryon fille ou d'un embryon garçon. Peu de gens connaissent l'existence des méthodes pour donner un coup de pouce à la nature. Et si le quidam en a déjà entendu parler, il y a de fortes chances qu'il ne connaisse que le fameux régime du Dr Papa (manger des produits laitiers pour avoir une fille, et manger salé pour un garçon, en très gros résumé). Pourtant, il existe beaucoup de méthodes, dont certaines semblent très lucratives pour leurs inventeurs ou leurs promoteurs, avec livres ou conférences qui se vendent comme des petits pains. C'est le cas de la fameuse méthode Babydust qui cartonne outre-atlantique, mais aussi chez nous, dans la confidentialité de cercles d'initiées sur Internet. Ou encore de l'application française MyBubelly qui, pour la modique somme de 150 euros par mois, propose une sorte de coaching personnalisé pour vous aider à suivre un mix des différentes méthodes.

On pourrait donc se moquer, de l'extérieur, quand on n'y connait rien et qu'on sait que, de toute façon, c'est du 50/50. Aucune méthode n'a, à ce jour, prouvé scientifiquement son efficacité, et il est facile de conclure que toutes ces femmes se donnent du mal pour rien. Mais ne vous méprenez pas, ces femmes justement, sont tout sauf ignorantes. Lucides, elles savent qu'il n'y a pas de miracle mais considèrent qu'en cas de verdict contraire à celui tant espéré, elles pourront se dire qu'au moins, elles auront tout essayé. Comme pour s'aider à mieux accepter.

L'importance du groupe

Certaines en parlent à leur gynécologue, et souvent, ça se passe mal. "Ma gynéco m'a ri au nez quand j'ai parlé de la méthode pour avoir une fille", témoigne une jeune femme dans un groupe Facebook. Mais des médecins compréhensifs, voire adeptes eux-mêmes de certaines de ces méthodes, ça existe. Julie raconte, dans le même forum: "J'ai rencontré une médecin en fertilité qui m'a confirmé croire au j-3 (avoir un unique rapport 3 jours avant l'ovulation, pour avoir une fille, selon la méthode Babydust, ndlr), mais pas trop au régime. Elle m'a expliqué que c'était très visible: les spermatozoïdes filles sont plus lourds, plus lents mais plus forts".

Le récit de Julie encourage les autres membres, remontées à bloc pour continuer les essais et les méthodes qui vont avec. Tout comme les fichiers statistiques épinglés au groupe, méticuleusement mis à jour en fonction des verdicts et des méthodes. Leurs résultats ont d'ailleurs de quoi étonner, même si, bien sûr, on ne peut absolument rien en conclure sur un plan scientifique, et si comme le disent ces femmes elles-mêmes, il s'agit de croire avant tout... Peut-être pour mieux accepter, finalement, qu'on ne peut pas tout contrôler.

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auteur : Amélie Micoud - journaliste santé

Dernière mise à jour: avril 2021

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